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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/408

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PAUL DE VENISE

de Gilles de Rome comme respectivement identiques au lieu per se et au lieu per accidens, considérés par Averroès ; grâce, disons-nous, à cette suite de jeux de mots, Paul Nicoletti se croit en état de rétablir l’accord entre la théorie d’Avicenne et la théorie d’Averroès :

« Avicenne, dit-il[1], prétend que le Ciel se meut non pas autour d’un lieu, mais en un lieu, ce lieu étant, d’ailleurs, un locus situalis et non point un locus stiperficialis… Le Commentateur, au contraire, prétend que le Ciel se meut de mouvement local, mais qu’il se meut autour de son lieu ; par là, il entend la terre ; il distingue, dans ce but, entre le lieu par accident ou lieu formel et le lieu par soi ou lieu matériel.

« Pour moi, il me semble que le Ciel se meut de mouvement local de la façon que définit le Commentateur et aussi de la manière qu’indique Avicenne. »

À cet accord, Averroès n’eût assurément pas souscrit, lui qui a si vivement combattu la théorie d’Avicenne. Eût-il davantage confirmé les concessions que Paul de Venise va accorder en son nom ? Cela nous paraît fort douteux. Écoutons, en tous cas, le passage suivant[2] ; visiblement, celui qui l’a rédigé avait lu Albert de Saxe et, surtout, Simplicius.

« Selon le Commentateur, si l’élément terrestre et les autres éléments se mouvaient circulairement comme le Ciel, le Ciel même n’aurait plus aucun mouvement local. Son mouvement ne pourrait plus être ni un mouvement de translation, ni un mouvement de rotation. Selon le Commentateur, en effet, tout corps qui se meut d’un mouvement de translation change à la fois son lieu per se et son lieu per accidens, son lieu matériel aussi bien que son lieu formel ; un corps qui se meut d’un mouvement de rotation éprouve un changement formel, encore qu’il ne se meuve point secundum materiam ; mais si la terre tournait d’un mouvement de rotation, en même temps que les autres éléments, le Ciel n’aurait plus ni lieu formel, ni lieu matériel ; en effet, il ne se mouvrait point à l’intérieur d’une surface capable de l’envelopper ; il ne se mouvrait plus, non plus, au-dessus d’une surface immobile sur laquelle il soit possible de tracer des cercles qui permettent de repérer son mouvement.

» Toutefois, dans le cas où la terre tournerait en sens contraire du Ciel, ou bien encore dans le cas où elle tournerait dans

  1. Pauli Veneti Expositio super libros Physicorum, libri sexti tractatus secundus, capituli tertii secunda pars, in fine.
  2. Paul de Venise, loc. cit., sub. rub. : Quarto sequitur.