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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/409

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

le même sens que le Ciel, mais plus lentement, le Commentateur admettrait que le Ciel se meut de mouvement local. Il l’accorderait encore si la terre accompagnait le Ciel datas son mouvement, pourvu que quelqu’un des autres éléments demeurât immobile, ou qu’il tournât en sens contraire, ou encore dans le même sens, mais plus lentement ; dans ce cas, en effet, le Ciel pourrait encore décrire ses divers cercles au-dessus de cet élément. »

Sans doute, le Commentateur a insisté sur cette vérité qu’aucun mouvement ne serait connaissable à notre expérience si le terme auquel tend le mobile se mouvait dans le même sens et avec la même vitesse que ce mobile ; mais il avait trop profondément réfléchi au caractère tout relatif du mouvement que nos sens nous révèlent pour affirmer que le Ciel est ou non en mouvement, pour dire quel est ce mouvement, avant de s’être assuré d’un terme de comparaison absolument fixe ; et il voulait — c’était le principe fondamental de sa doctrine — que ce terme absolument fixe fût un corps réel et concret. Il eût donc rejeté les propositions que Paul de Venise vient de formuler.

En revanche, sans se mettre en contradiction avec ses axiomes, il eût pu accepter celle-ci :

« Lors même que tous les éléments se mouvraient avec le Ciel, pourvu que l’on accordât que le Ciel [suprême] n’a aucun mouvement local, les sphères célestes auraient un mouvement local ; en effet, comme elles ne se meuvent pas toutes du même mouvement, chaque sphère inférieure décrirait un cercle par rapport à la concavité de la sphère supérieure, et la sphère supérieure en décrirait un par rapport à la convexité de la sphère inférieure. Toutefois, si la terre était en mouvement, il serait moins aisé de connaître le mouvement local du Ciel qu’il ne l’est alors que la terre demeure immobile : voilà pourquoi le Philosophe dit, au second livre Du Ciel, que si le Ciel est en mouvement, il faut que la terre soit en repos. »

Le Philosophe, croyons-nous, entendait dire plus que cela. Quoi qu’il en soit, la théorie averroïste du lieu ne serait pas contredite par l’hypothèse que Paul de Venise vient d’examiner, car, en cette hypothèse, le Ciel suprême, privé de tout mouvement local, fournirait ce terme absolument fixe que requiert tout mouvement local, au dire d’Averroès. Chose bien digne de remarque : Cette hypothèse, qui prend l’orbite suprême comme lieu immobile auquel sont rapportés tous les mouve¬