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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/417

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

première vers la sphère ultime ; ce mouvement est un acte, selon la définition du Philosophe ; partant, si ce mouvement était la matière première, la matière première serait un acte, contrairement à ce que le Philosophe et le Commentateur enseignent au premier livre des Physiques. »

Imagine-t-on le Philosophe et le Commentateur attribuant à Dieu le pouvoir de faire subsister une matière première dépouillée de toute forme et de mettre en mouvement cette matière nue ? Vraiment, pour soutenir les principes du Péripatétisme, Paul fait appel à des suppositions qui en sont la négation formelle.

Il fait appel aussi à de multiples textes d’Aristote qui, tous, distinguent nettement le mouvement du mobile et de l’espace parcouru par ce mobile. Ces arguments d’autorité lui permettent d’établir[1], a en premier lieu, que le mouvement local n’est pas quelque rapport complexe, comme le dit John Wicleff… En second lieu, qu’il n’est pas un certain mouvement indivisible, comme le croient plusieurs modernes… En troisième lieu, que le mouvement local n’est pas quelque accident fixe au sein du sujet, comme l’ont supposé beaucoup de gens… »

Ce mouvement local, qu’est-il donc ?

« C’est un accident successif qui s’écoule au sein d’un sujet. — Motus localis est accidens sucessivum fluxibile in subjecto. » C’est la réponse qu’Avicenne avait donnée, que Jean Buridan avait formellement reprise. Cette réponse, Paul de Venise ne la veut pas attribuer à de tels auteurs ; il faut, pour qu’elle lui paraisse recevable, qu’il la mette au compte d’Aristote ; voici comment il y parvient.

« Cette proposition est évidente par celles-ci, qui ont été dites du mouvement : C’est un acte du mobile, il a le mobile pour sujet. Il en est donc une forme ; or, il n’est pas forme substantielle ; partant, il est forme accidentelle. Qu’il soit successif, d’ailleurs, cela est évident par ce que dit Aristote, dans ce troisième livre, lorsqu’il distingue entre le successif et le permanent. »

En vain objecterait-on à Nicoletti que le Philosophe, en disant que le mouvement était un acte du mobile, n’a pas entendu le donner pour une réalité résidant au sein de ce mobile, qu’ü a voulu seulement l’attribuer au mobile. « Quand

  1. Paul de Venise, loc. cit., col. c et d.