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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/418

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PAUL DE VENISE

le Philosophe dit que le mouvement est dans le mobile et que celui-ci en est le sujet, répond notre auteur, cette préposition : dans n’exprime pas un simple rapport d’attribution, selon la glose des hommes de l’opinion contraire ; elle désigne un rapport d’inhérence ; si elle désignait un simple rapport d’attribution, cette proposition : le mobile est dans le mouvement, se devrait accorder aussi bien que la proposition contraire, car le mobile est attribué au mouvement aussi bien que le mouvement au mobile. »

Par ce raisonnement, disons mieux, par ce tour de passe-passe, Aristote se voit attribuer la paternité de la doctrine qui fait du mouvement une forme fluente.

Jean Buridan restreignait au mouvement local l’introduction d’une telle forme ; sans elle, en effet, il ne lui paraissait pas qu’on pût sauver les propositions qu’il tenait pour vraies touchant cette sorte de mouvement. En revanche, dans l’étude des autres mouvements, du mouvement d’altération par exemple, il lui semblait inutile d’introduire cette forme coulante ; la forme accidentelle qui, d’instant en instant, s’acquiert ou se perd, suffisait, à son gré, à « sauver » ce qui se dit d’un tel mouvement. Paul de Venise ne borne pas ainsi sa théorie. Ce qu’il a supposé pour le mouvement local, il l’étend à tous les autres mouvements, comme le faisaient nombre de Scotistes. « L’altération, l’augmentation, la diminution, dit-il[1], sont des accidents absolus qui s’écoulent au sein du sujet. » Il déclare, d’ailleurs : « Ce doute est ici examiné à cause de l’opinion d’Ockam, de Grégoire de Rimini et de Jean Buridan ; en effet, au gré de ces auteurs, le mouvement d’altération n’est pas autre chose que la qualité qui se trouve acquise ou perdue ; le mouvement d’augmentation ou de diminution ne se distingue pas de la grandeur acquise ou perdue. »

Paul Nicoletti se croit très fidèle interprète du Philosophe et du Commentateur ; le Philosophe l’eût probablement renié et le Commentateur très certainement.

Paul se pique d’un Péripatétisme non moins sévère dans ce qu’il dit de la nature du temps. « Le temps n’est pas le mouvement du Ciel suprême ; c’est simplement une passion de ce mouvement[2]. Telle est la proposition que notre auteur reçoit

  1. Pauli Veneti Op. laud., cap. cit., tertium dubium, fol. sign. p, col. d, et fol. sign. p. 2, col. a et b.
  2. Pauli Veneti Op. laud., lib. IV, tract. III, cap. II, second fol. après le fol. sign. y iiij, col. c et d.