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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/428

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PAUL DE VENISE

plus vite et plus loin que la pierre et la pierre que la plume ; c’est aussi la cause pour laquelle une longue lance a plus de force de pénétration qu’une courte. De même le toton (circulus), après qu’il s’est séparé de celui qui l’a lancé, se meut par la vertu qu’on lui a donnée en le lançant.

» On peut corroborer cette opinion en prouvant que le mouvement des projectiles ne peut se faire par l’air qui suit le projectile ou qui l’environne en tout ou en partie.

» Nous voyons, en effet, une boule ou un sabot tourner sur lui-même au sein d’un air agité, une flèche marcher contre le vent ; rien de tout cela ne pourrait être si la boule ou la flèche était mue par l’air qu’on a ébranlé en la lançant ; car il ne tarde pas à faire défaut, cet air chassé successivement par un autre air ou par le vent qui souffle, air ou vent qui ne possèdent pas cette vertu ; partant, en l’absence du moteur initial, le mouvement du toton ou de la flèche devrait cesser tout aussitôt.

» En second lieu, vous pourriez chasser une pierre aussi vite et aussi loin sans la toucher qu’en la touchant. Cette conclusion est contraire à l’expérience et, cependant, on la démontrerait ainsi : Si la pierre que vous touchez se meut jusqu’à une grande distance, c’est grâce à la vertu que l’air a reçue ; mais vous pourriez, à l’air, communiquer une aussi grande vertu sans toucher la pierre comme en la touchant…

» Enfin, vous devriez toujours jeter une balle de laine ou une boule de bois aussi loin qu’une bille de pierre ou de fer de même volume et de même figure. C’est contraire à l’expérience, et cependant cela se démontrerait évidemment comme ceci : Tous ces corps, vous les pouvez jeter avec un même effort, et l’air qui se trouve, dans tous les cas, disposé de façon semblable, recevrait continuellement une vertu d’égale force. Cette instance et toutes les autres, d’ailleurs, sont également pressantes contre l’opinion qui’attribue le mouvement des projectiles à la fuite du vide.

» Bien que la précédente opinion, [celle qui recourt à une vertu imprimée dans le projectile], soit communément tenue, elle n’est, cependant, pas vraie. »

Quelles objections Paul de Venise va-t-il faire valoir à l’encontre de cette thèse communément reçue ? Deux seulement.

Il en résulterait, en premier lieu, que le mouvement de la pierre jetée en l’air serait un mouvement naturel, et non pas un mouvement violent, « ce qui va contre la décision de tous les philosophes ».