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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/429

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

« Il en résulterait, en second lieu, que le mouvement de la pierre jetée se poursuivrait avec continuité du commencement à la fin ; or le Commentateur admet le contraire et l’explique par une comparaison avec les rides circulaires de l’eau… » Une semblable vertu ne saurait donc être reçue dans les corps terminés [par une surface rigide], mais seulement dans les corps qui n’ont pas de figure propre.

» D’ailleurs, cette supposition ne sauve pas les expériences. Si une balle de fer se jette parfois plus vite qu’une balle de bois de même volume et de même figure, c’est, dit-elle, que la balle de fer reçoit, de cette vertu, une plus grande quantité que la balle de bois ; semblablement, un arc ou une baliste devrait jeter un trait de fer plus loin qu’un trait de bois ; or nous observons le contraire ; cependant la conséquence est rigoureusement déduite, car le trait de fer reçoit, de cette vertu, plus que le trait de bois. »

Paul s’efforce donc de délier les divers arguments destinés à montrer qu’une vertu a été imprimée dans le projectile. Toutes les expériences en faveur de cette théorie, il en prétend rendre compte « par la doctrine qu’Aristote et le Commentateur exposent ici et au quatrième livre Du Ciel. »

Au temps où Paul de Venise rédigeait son Expositio super libros physicorum, la théorie parisienne du mouvement des projectiles était, autour de lui, « communément tenue » ; nous le lui avons entendu dire. De cette doctrine répandue parmi ceux qu’il fréquentait, il tenait fort à se garder ; il n’y réussissait pas toujours ; sans le vouloir, il la laissait s’infiltrer dans ses raisonnements.

Au septième livre de la Physique, il discute cette règle d’Aristote : Si une puissance meut un certain mobile à une certaine distance, cette même puissance mouvrait la moitié de ce mobile à une distance double.

« Le Philosophe, dit-il[1], parle seulement du cas où le caractère successif du mouvement imprimé par le moteur au mobile a pour cause unique la résistance du mobile. ; or, dans le mouvement de la pierre qu’on jette, ce caractère successif ne provient pas seulement de la résistance du mobile, mais aussi et surtout

  1. Pauli Veneti Op. laud., lib. VII, tract. II, cap. II, pars I, fol. précédant le fol. sign. P, col. a.