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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/433

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Encore moins pouvons-nous douter de l’explication qu’il admet dans la Summa totius philosophiæ, mais elle est toute contraire à la précédente.

Voici l’une des conclusions qu’il formule en cet ouvrage[1] :

» Entre deux mouvements directs ou réfléchis dont l’un provient seulement d’un agent intrinsèque, tombe un repos intermédiaire. Cela est évident. Qu’une pierre, en effet, soit jetée en l’air, tout autre moteur étant exclu. Pendant un certain temps, la vertu imprimée est très forte ; alors la pierre se meut vers le haut. Comme elle s’affaiblit sans cesse, elle en vient à un tel degré de relâchement qu’elle ne suffit plus à mouvoir davantage vers le haut ; cependant, elle résiste à la gravité qui tire vers le bas. Mais enfin, elle se trouve réduite à tel point qu’elle n’est plus suffisante pour résister à la gravité. Je considère le temps total pendant lequel elle suffit à mouvoir et le temps total pendant lequel elle suffit à résister ; il est clair que, pendant le temps intermédiaire, la pierre demeure en repos ; ainsi, entre ces deux mouvements contraires et réfléchis tombe un repos intermédiaire qui dure un certain temps. »

Contre cette conclusion, voici l’objection qu’on peut dresser :

« Entre deux mouvements contraires, il ne peut exister un repos intermédiaire qui dure un certain temps. Prenons, en effet, l’instant où la pierre lancée en l’air commencerait de s’arrêter, et raisonnons ainsi : En cet instant, la vertu imprimée par le moteur est supérieure, inférieure ou égale à la puissance de la gravité. Si elle est plus grande, c’est donc qu’à ce moment, elle meut la pierre vers le haut, et immédiatement après elle continuera de la mouvoir tout comme elle la mouvait immédiatement avant. Si elle est moindre ou égale, c’est donc qu’immédiatement après, la pierre se mouvra vers le bas ; cette conséquence est rigoureusement établie car, après cet instant, c’est cette vertu qui sera la plus petite et la gravité la plus grande, et tout excès suffit à déterminer le mouvement.

» D’ailleurs, si un tel repos se produisait, la conclusion suivante en découlerait : Voici un grave qui se trouve hors de son lieu naturel, qui est libre de toute entrave extrinsèque, et cependant, il ne se meut pas vers son lieu naturel, et cela est impossible. »

À cette objection, notre auteur donne la réponse qu’il avait déjà donnée dans son Expositio super libros physicorum ; mais

  1. Pauli Veneti Summa totius philosophiæ, pars prima, cap. XXIX.