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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/60

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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE


F. Le mouvement des projectiles


Nicolas de Orbellis résume ainsi avec clarté les points les plus intéressants de la Physique scotiste ; mais, sauf en Astronomie, il ne va jamais plus loin que le Docteur Subtil ; de ce que l’École de Paris, au xive siècle, avait avancé de nouveau et de fécond, il n’a peut-être aucune connaissance ; en tout cas, il n’en fait aucune mention à ses élèves ; ceux-ci ignoreront que l’hypothèse de Vimpetus a été proposée pour rendre compte du mouvement des projectiles ; ils en resteront à la Dynamique d’Aristote, singulièrement surannée au temps où ils vivent.

« Bien que la pierre, écrit leur maître[1], ne demeure pas toujours conjointe à la main qui l’a lancée, elle demeure toujours conjointe à quelque partie d’air qui est, pour elle, le propulseur prochain. Celui qui a lancé la pierre, en effet, en même temps qu’il a donné impulsion à ce corps, a donné impulsion à l’air ; et l’air poussé chasse la pierre. Il n’est donc pas nécessaire que la pierre cesse de se mouvoir aussitôt qu’elle a quitté la main ; après avoir quitté la main, elle se meut encore parce que l’air la pousse. Ce mouvement dure tant que le mouvement de l’air poussé surpasse la gravité naturelle ou le mouvement naturel de la pierre. En un tel mouvement, donc, le projectile est sans cesse conjoint à un propulseur prochain. »

Une sottise avait la vie terriblement dure quand elle s’autorisait du nom d’Aristote. Celle-ci avait été écrasée une première fois par Al Bitrogi, une seconde fois par Guillaume d’Ockam, par Jean Buridan, par les Nominalistes de Paris ; elle relevait encore la tête.

Ignorée ou dédaignée de Nicolaus de Orbellis, la théorie de l’impetus se retrouvera dans nombre de traités rédigés à Paris durant la seconde moitié du xve siècle.

Parmi les manuels de philosophie péripatéticienne que Paris verra éclore à cette époque, les meilleurs reproduiront assez fidèlement les idées les plus importantes de Jean Buridan et de Nicole Oresme ; pour les mieux reproduire, ils auront soin bien souvent, d’imiter de très près les écrits des disciples immédiats de ces deux maîtres, d’Albert de Saxe, de Thémon, de Marsile d’Inghen ; il leur arrivera même de copier textuellement des passages de ces derniers écrits.

  1. Nicolai de Orbellis Physicorum lib. VII, cap. II ; éd. cit., fol. sign. f, col. c.