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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/74

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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

» Je vous demande alors : Cela fait, Dieu peut-il, oui ou non, placer un homme ou quelque autre corps en ce lieu où le Monde est à présent [et dont il l’a extrait par hypothèse] ? Si oui, le Monde n’est donc pas formé de toute la matière des choses sensibles. Et l’on ne peut dire que non, car il est manifeste que Dieu n’a pas, sur un homme ou sur une pierre, moins de puissance que sur le Monde entier. »

Des condamnations portées en 1277, on a dit[1] : « Les condamnations troublèrent d’abord quelques esprits timides, maintenues qu’elles étaient par les intéressés, mais elles tombèrent bientôt dans l’indifférence, et les maîtres étrangers aux doctrines thomistes m’hésitèrent pas à les blâmer et à les déclarer sans valeur aucune. » Bien au contraire, nous avons vu que le décret d’Étienne Tempier n’avait cessé, pendant toute la durée du xive siècle, de fournir aux maîtres de Paris des armes contre la Physique d’Aristote ; la précédente citation nous montre qu’il demeurait encore en vigueur et continuait à jouer ce rôle durant la seconde moitié du xve siècle ; de cette vérité, nous trouverons encore d’autres exemples.

Nous ne poursuivrons pas davantage l’analyse du manuel de Jean Hennon. Sans doute, nous pourrions encore y retrouver l’exposé de mainte doctrine parisienne. Nous pourrions entendre notre auteur déclarer[2] que Dieu peut produire une multitude infinie, car il eût pu créer le Monde de toute éternité, et la multitude des âmes immortelles actuellement existantes serait infinie ; que Dieu peut produire une grandeur actuellement infinie, « ce qui se prouve ainsi : Aucune contradiction ne se trouve impliquée dans la supposition qu’une grandeur est infinie ; en effet, l’infinitude ne supprime nullement la notion (ratio) de grandeur ni quelque conséquence nécessaire de cette notion, et la grandeur ne supprime pas davantage la notion d’infini. » Ce sont conclusions conformes à celles de Grégoire de Rimini ; mais pour les établir, Hennon n’use pas de la logique audacieuse et rigoureuse qu’employait l’illustre Augustin.

  1. R. P. Pierre Mandonnet, Siger de Brabant, 2e éd., p. 237.
  2. Johannis Hennon De Cælo et Mundo lib. I, quæst. II ; ms. cit., fol. 153, col. d.