Jean le Fèvre n’était point sans doute un isolé ; en effet, en 1466[1], « quelques hommes doctes et graves eurent mission d’inspecter les collèges et de rendre compte de leur inspection à la Nation Française ; il en fut fait ainsi à cause de la doctrine de Guillaume d’Ockam et consorts ; Roër, procureur de la Nation Française, écrit en effet : « Cette doctrine avait commencé de pulluler, à là façon d’une mauvaise racine d’ivraie, » dans le champ fertile de l’Université de Paris ».
Entre Nominalistes et Réalistes, la querelle s’aigrit bientôt à tel point que ces derniers eurent recours au pouvoir royal[2]. Louis XI se saisit de l’affaire et, le 1er Mars 1473, à Senlis, il rendit un long édit[3].
Cet édit résumait, tout d’abord, la pensée des plaignants. « La doctrine d’Aristote et de son commentateur Averroès, disait-il[4], celle d’Albert le Grand, de Saint Thomas d’Aquin, de Gilles de Rome, de Scot, de Bonaventure et des autres docteurs réalistes a été, aux temps passés, reconnue saine et sûre ; il leur a semblé qu’elle devait être de nouveau lue, dogmatisé e, enseignée et imitée aussi bien à la Faculté des Arts qu’à la Faculté de Théologie ; en vue de l’édification de la sacrosainte Église de Dieu et de la foi catholique, en vue de la formation des jeunes étudiants, elle leur a paru plus utile et mieux adaptée que la doctrine de certains autres doctes rénovateurs tels que Guillaume d’Ockam, le Cistercien de Rimini, Buridan, Pierre d’Ailly, Marsile, Adam Dorp, Albert de Saxe, et autres semblables ; certains étudiants de l’Université, qu’on appelle Nominalistes ou Terministes, ne craignent point, nous l’avons dit, d’imiter ces maîtres. »
La plainte n’était pas excessive ; les Réalistes demandaient que leur doctrine fût enseignée ; ils ne demandaient pas qu’on fermât la bouche à leurs adversaires. Louis XI ne se mit pas en peine de telles nuances. Il frappa brutalement.
« Nous avons décidé et édicté[5] que ladite doctrine d’Aristote et de son commentateur Averroès, d’Albert le Grand, de Saint Thomas d’Aquin, de Gilles de Rome, d’Alexandre de Halès, de Scot, de Bonaventure et des autres docteurs réalistes (doctrine qui, comme ori l’a dit, a été, aux temps passés, reconnue saine
