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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/97

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

l’hypothèse contraire ; et surtout, il ne leur venait jamais à l’esprit qu’on la pût tenir pour hérétique, qu’on pût appeler sur elle les foudres de l’Église.


G. La pluralité des Mondes


Sur la pluralité des Mondes, Jean Hennon s’était contenté de suivre la doctrine de Buridan et d’Albert de Saxe ; l’existence simultanée de plusieurs mondes n’implique pas contradiction, en sorte qu’elle pourrait être assurée, d’une manière surnaturelle, par la toute-puissance de Dieu ; mais, naturellement, deux mondes ne pourraient coexister ; la terre de l’un des mondes tendrait vers le centre de l’autre monde.

Georges de Bruxelles et Thomas Bricot seront plus audacieux ; ce n’est pas à la doctrine de Buridan, c’est à celle d’Oresme qu’ira leur adhésion[1].

Sans doute, l’existence de plusieurs mondes ne peut être réalisée que par voie surnaturelle ; c’est aussi par voie surnaturelle que ce Monde-ci a été créé ; la production d’un monde n’est au pouvoir d’aucune cause naturelle ; mais si plusieurs mondes, extérieurs l’un à l’autre, avaient été créés, en dépit de <c la raison des Anciens », ces mondes pourraient subsister sans que la nature s’en trouvât violentée.

» Des mondes peuvent être excentriques de deux manières, soit qu’ils se touchent l’un l’autre, chacun d’eux étant, toutefois, entièrement hors de l’autre, soit qu’ils se trouvent entièrement séparés l’un de l’autre ; de toutes façons, par voie surnaturelle, plusieurs mondes pourraient exister.

» L’autorité du Philosophe ne doit point faire obstacle à cette proposition car, ici, son parti ne doit pas être tenu. Il dit que ce Ciel-ci est composé de toute la matière possible, de toute celle qui est capable de recevoir la forme céleste ; mais cela n’est pas vrai. Il n’est pas vrai, non plus, qu’aucun corps naturel ne puisse être produit hors de ce monde-ci ; un tel corps, en effet, y résiderait naturellement comme sont, en ce monde-ci, les corps naturels, tant simples que mixtes ; de même qu’en ce monde-ci, les corps simples s’ordonnent, les uns vers le haut, les autres vers le bas, de même, en ce monde, s’il existait, il y

  1. Georgii De Cælo et Mundo, lib. I, ; Quæritur utrum possibile est esse plures mundos ; éd. cit., 3e fol. après le fol. sign. Nn 3, col. a et b.