Page:Duhem - Le mixte et la combinaison chimique, 1902.djvu/18

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rer ; et ces caractères, qui définissent le mixte, appartiennent non seulement au corps tout entier, mais encore à toute parcelle, si petite soit-elle, que l’on puisse découper par la pensée en ce corps homogène ; on les retrouve d’ailleurs, ces caractères, en tous les mixtes, aussi bien en ceux que nous nommons aujourd’hui des mélanges qu’en ceux auxquels nous réservons le nom de combinaisons chimiques.

Tel est, semble-t-il, l’enseignement clair, certain et obvie que l’on peut tirer de l’expérience la plus commune.

Non point, s’écriera quelque chimiste qui, d’ailleurs, professe bruyamment l’empirisme et prétend n’enseigner que des faits ! Une telle notion du mixte, bien loin d’offrir quelque certitude, n’est qu’une illusion du vulgaire, qu’une grossière piperie de nos sens obtus ; elle est indigne d’un esprit capable de quelque réflexion et contraire aux principes de la saine physique.

Vos yeux débiles ne peuvent apercevoir un objet long d’un vingtième de millimètre, et c’est au témoignage de ces yeux que vous vous fiez pour affirmer que l’eau est un fluide homogène et continu ? Prenez un de ces microscopes que les physiciens ont imaginés et perfectionnés : déjà, en cette liqueur que vous pensiez partout identique à elle-même, vous voyez nager une foule d’objets insoupçonnés de vos yeux ; et cependant le microscope n’a fait que rendre votre vue mille fois ou deux mille fois plus puissante ; que serait-ce donc s’il vous était donné, comme au Lyncée de la fable, de ne point connaître de limite à la pénétration de votre regard ? Cette eau, qui vous semble