femme aimée, telle qu’elle apparaît, semblable à une nue, dans son
miroir.
Nous entrevoyons dès à présent ce que j’appellerai le système de Mallarmé. Mallarmé ne dit pas : « Quelle soie vaut ta chevelure semblable à une nue »… Il dit immédiatement : « Quelle soie vaut la nue… » Des deux termes de la comparaison, il supprime le premier.
Lisons le second quatrain :
S’exaltent dans notre avenue :
Moi, j’ai ta chevelure nue
Voilà cette fois, il me semble, la clarté même. Que les autres réjouissent leurs yeux à contempler les drapeaux qui flottent… moi, c’est dans ta chevelure que je veux enfouir mes yeux…
De rien goûter à sa morsure,
La « morsure » signifie, n’est-ce pas, le baiser ; toujours l’expression impressionniste… Il ne sera possible de goûter le baiser de ta bouche que…
Dans la considérable touffe
Expirer comme un diamant
Si ton princier amant ne sacrifie dans ta chevelure le cri des gloires qu’il étouffe, c’est-à-dire le plus précieux de lui-même.
Résumons : Aucune soie ne vaut ta chevelure ; le poète y enfouit ses yeux ; mais, pour goûter au baiser de ta bouche, il faut qu’il y sacrifie le plus précieux de lui-même.
Remy de Gourmont a analysé la formule de Mallarmé, dans le quatrième volume de ses Promenades Littéraires. Toute comparaison, explique-t-il, est formée de deux termes : la chose elle-même et celle à laquelle on la compare… Ces deux termes, les classiques les expriment tous les deux… Mallarmé ne laisse voir que la seconde imagee.