Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/23

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semble nous nous enfuirions, ce soir. Où irions-nous ? chez moi d’abord, et demain nous partirions en voyage ; la journée de demain à nous équiper ; le départ peut-être après-demain seulement ; jusque là, chez moi, ensemble ; et ainsi, donc, ce soir, vers neuf heures tout, communement, au théâtre j’arriverais ; je l’attends ; elle sort ; je la salue ; elle s’approche ; je lui dis — bonsoir, ma demoiselle… À gauche, dans la rue latérale, ce jeune homme, grand, maigre, au court par-dessus noir, au chapeau haut ? C’est Paul Hénart. Il vient vers ici. Ah, Paul Hénart ; toujours correct ; et toujours sa canne de fin jonc ; il m’aperçoit, me fait signe…

— « Bonjour. »

— « Bonjour. Vous rentrez chez vous ? »

— « Oui. Vous vous portez bien ?… Vous allez vers ce côté ? »

— « Oui ; je vous accompagnerai jusqu’à Saint-Augustin. »

— « Très bien. Et quoi de nouveau ? »

— « Rien, rien encore. »

Je me réjouis de le revoir ; un très vieil, très honnête, très cordial ami ; très convenable ; gentleman ; j’aurais en lui de la confiance ; très honnête ; très cordial. Nous marchons au long du boulevard. Il est bien de sa personne, sans affectations. Où allait-il ? Je le lui demande.

— « Vous n’allez point par ce chemin chez vous ? »

— « Non ; je vais rue de Courcelles. »

Mais, c’est sa vieille histoire de mariage ; encore cela dure ?

— « Rue de Courcelles ? Vous allez chez cette dame, dont la demoiselle… »

— « Justement. »

— « Vous m’en avez vaguement parlé ; il y a un temps indéfini ; où en êtes-vous ? »