Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/66

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— « Je vais dire à Marie » elle parle « qu’elle aille nous chercher une voiture… Marie ! »

— « Voulez-vous que j’y aille moi-même ? »

— « Non ; Marie ira. »

Dans la chambre elle parle à Marie ; que lui dit-elle ? je n’entends pas ; et ici je ne fais rien ; je n’ai rien à faire ; demain je déjeune avec De Rivare, à onze heures ; dans un café des boulevards sans doute ; quand on s’est couché tard, c’est par fois assez difficile qu’être à onze heures ou dix heures et demie en un rendez-vous ; le meilleur moyen de se lever tôt sûrement serait à ne pas coucher chez soi ; ici, par exemple ; car, en somme, pourquoi suis-je ici ?…

— « Me voilà. »

Léa, sur la porte, coiffée de son chapeau à velours rouges ; gravement, pour rire ; aussi je m’incline ; elle me répond en une révérence ; dehors, le roulement d’une voiture.

— « La voiture » dit-elle « descendons ».

— « Vous n’oubliez rien, Léa ? »

— « Non ; voici mon manteau. »

— « Donnez… Merci. »

— « Allons. »

Nous sortons ; sur mon bras le manteau fourré, moelleux, chaud.

— « Et vos gants ? vous n’en avez qu’un ».

— « Ah ! j’oubliais le second ; il est sur le piano ; prenez-le. »

J’étais bien sûr qu’elle oublierait quelque chose ; je le lui avais dit.

— « Voici. »

Marie qui rentre.

— « La voiture est en bas, mademoiselle. »

— « Je rentrerai dans une heure ; faites un peu de feu, dans la chambre. »