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Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/70

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servoir ; là tout-à-l’heure et seul je passais ; maintenant avec Léa ; elle va devenir d’humeur maussade ; pourtant je ne puis rien lui dire qui ne la fâche ; en une masse noire percée d’un couple de feux, un tramway vient ; Léa :

— « Vous irez samedi à la fête de la Presse ? »

— « La fête de l’hôtel Continental ? »

— « Oui. »

— « Je ne sais pas ; peut-être ; et vous ? »

— « J’ai été invitée pour être vendeuse. »

— « Ah. »

— « Lucie Harel arrange une boutique ; à la façon des magasins de nouveautés ; on vendra de tout. »

— « J’ai entendu parler de cela ; ce sera parfait. Et vous aurez un comptoir ? »

— « Oui. »

— « J’irai donc. »

Je ne m’en tirerai pas à moins de cent francs. Aurais-je un prétexte à rester chez moi ? Léa ne me pardonnerait pas ; si pourtant le prétexte était suffisant ? je ne pourrai pas dire que j’étais malade ; il faudrait que j’allègue quelque chose sérieuse ; c’est si ennuyeux, ces soirées ; bah, j’emmènerai Chavainne.

— « Serez-vous costumée ? »

— « Oui, en soubrette. »

— « Bravo. »

— « Je vais faire retoucher mon costume de la revue ; je remplacerai les plissés du corsage qui n’allaient du reste pas… »

Oui, son costume de soubrette, satin rose, le tablier en dentelles, jupe courte…

— « Je mettrai une ceinture de satin pareil et ferai poser des rubans aux manches ; tout cela changera le costume ; d’ailleurs je tâcherai à avoir un autre tablier, un tablier qui sera très réussi, vous verrez. »