Page:Dujardin - Les Premiers Poètes du vers libre, 1922.djvu/16

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« pieds » ; mais, contrairement à ce qu’enseignent certaines prosodies, le véritable pied n’est pas le pied syllabique, c’est-à-dire composé d’une seule syllabe (autant, si on identifie le pied et la syllabe, dire simplement syllabe et supprimer l’appellation de pied) ; le véritable pied, en français, comme en latin, comme en grec, comme dans les littératures étrangères modernes, est le pied rythmique.

Un pied rythmique, exactement, se compose d’un mot ou d’un ensemble de mots, lequel 1o porte un accent à la dernière syllabe (à l’avant-dernière, si la dernière est muette) ; 2o peut porter un ou plusieurs accents secondaires ou demi-accents sur une ou plusieurs autres syllabes, et 3o comporte par lui-même assez de signification pour permettre un minimum d’arrêt de la voix.

Sur la question de l’accent, je n’ai qu’à renvoyer aux études de Robert de Souza et d’André Spire[1]. Sur celle de la signification, que Robert de Souza me semble avoir négligée et qu’André

  1. Robert de Souza : Où nous en sommes, Paris, 1906, et surtout le Rythme en français, Paris, 1912 ; André Spire : articles publiés dans le Mercure de France du 1er août 1912, dans l’Effort libre d’octobre 1913 et surtout dans le Mercure de France du 15 juillet  1914. Je reproche seulement à Souza de ne pas avoir suffisamment marqué la différence de l’accent principal et de l’accent secondaire ; à Spire, d’avoir, à la suite de Georges Lote, fait une place à l’accent d’acuité ; l’accent dans le vers est uniquement 1o et surtout de durée (quantité) et 2o d’intensité. L’accent d’acuité que met évidemment dans sa lecture celui qui lit un vers est aussi extérieur au vers que la qualité de sa voix ou la couleur de ses cheveux.