l’expression supérieure. Avec la numération de
plus en plus indécise de leurs syllabes, la formule
des vers qui précèdent immédiatement Marine et
Mouvement est, on peut dire, au seuil du vers libre. Et, parallèlement, on voit les proses des Illuminations
se resserrer en unités qui évidemment
sont pas des vers, mais qui y tendent de plus en
plus. Il ne faut pas laisser dire, si nous voulons
obtenir du public une compréhension judicieuse
de ce qu’est le vers libre, que les parties prose des
Illuminations et de la Saison en Enfer sont des
vers libres ; constatons seulement qu’il aurait suffi
le plus souvent d’un rien pour qu’elles en fussent,
et qu′à chaque instant une de ses phrases est déjà
vers.
L’évolution naturelle du génie de Rimbaud a ainsi concordé avec l’évolution même de la poétique française, et, à vrai dire, son œuvre en est à la fois l’exemple et le symbole. S’il a, en cela, devancé de beaucoup d’années la génération qui devait accomplir la réforme, c’est justement parce qu’à seize ans il avait la maturité d’un poète arrivé à la pleine possession de son art, parce qu’en cela comme en toute son œuvre il a été le prodige.
Il n’est arrivé toutefois à fixer sa formule, dans Marine et dans Mouvement, qu’à la fin de sa carrière littéraire ; c’est ce qui explique que Verlaine n’en ait pas été influencé et ait peut-être même