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LES PREMIERS POÈTES DU VERS LIBRE

sites par les expériences phonétiques contemporaines, ainsi que par les études de la rythmique comparée. Je ne crois pas qu’il ait cherché dans la voie du poème en prose, mais plus tôt dans l’évolution du vers en lui-même, qu’il étudia à la fois en poète et en esthéticien.

Vielé-Griffin est l’admirable exemple de ce que doit obtenir le génie naturel secondé par le travail méthodique et vérifié par la recherche expérimentale. Comme je lui demandais, tout récemment, comment avait commencé pour lui l’évolution, il me répondit par les lignes suivantes dont chacun appréciera le haut intérêt :

Au collège Stanislas, où j’ai passé une dizaine d’années, je pratiquais, à des fins glorieuses, le vers latin ; excellent latiniste sur la fin de mes études, je confiais à des « proses » accentuées et rimées mes émotions plus personnelles d’adolescent : j’ai composé, de la sorte, un grand nombre d’élégies amoureuses, en strophes inégales de vers inégaux, comparables, métriquement, à telles parties de l’Office du Saint-Sépulcre composé pour l’abbaye de Beaulieu, près Loches.

Je n’ai osé chercher en français l’équivalent de cette scantion latine « populaire » qu’en secret et pour moi-même, tant que le prestige de Hugo domina l’art poétique français. Je dois donc, en réponse à votre question, me reconnaître tributaire de la métrique accentuée des hymnes du rituel romain, et c’est pour cela peut-être que je garde le goût des homophonies. En un mot, j’ai usé, dès mes premières effusions lyriques, du vers libre