Page:Dujardin - Poésies, 1913.djvu/22

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et votre plaisir, l’émotion que vous aurez vécue.

Depuis de longues années, une hantise imprévue a pris celui qui, de vingt à trente ans, n’avait été autre chose qu’un poète lyrique. De nouvelles méditations, de nouvelles études, des recherches ardues et passionnantes l’ont emporté vers la philosophie, vers l’histoire, vers le problème des origines… Peut-il deviner jusqu’où le conduira ce nouveau pèlerinage vers un idéal si lointain ?…

Il ne sait ; mais il lui plaît, aujourd’hui, de ramasser ces petits poèmes qui sont nés chemin faisant, et, ne sachant s’il laissera autre chose, de te laisser, enfant, au moins ces morceaux de son cœur, et de te dire :

— Vis, aime la vie, mon fils ! peut-être te donnera-t-elle un fruit, peut-être non. Mais aie vécu. Le royaume de la terre est beau, et il suffit.

Et que pour toi s’exauce ce souhait :

— Que tu sois fort, que tu sois sain et que tu sois virilement beau, que tu aies une âme douce et fière, et du soleil dans les yeux, et des femmes sur les lèvres, et qu’un esprit vive en ton âme, et que la pensée toujours y chante !

*

Le Chapitre des chapeaux. — Un jour, nous étions deux amis à voyager dans les Alpes ; il faisait par hasard un froid piquant et la pluie commençait à tom-