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leur désespoir. La pitié — qui fait s’entr’aider les agonisants sur le champ de bataille — leur suggéra de ne point se quitter en pleine détresse.

— Essaie de dormir, mon ami, la France a besoin de toi, dit la générale.

— Tu as raison, je rejoins demain, répondit Monsieur Lartineau.

Pour la première fois — depuis quelque quinze ans — le couple terrassé par la douleur chercha le sommeil côte à côte. Il ne trouva qu’un repos interrompu par des soublesauts et des sanglots.

Le lendemain matin, lorsque le soleil entra dans la chambre, le général dormait enfin ; et sa femme avait achevé sa toilette lorsqu’il s’éveilla.

— J’ai dormi ? dit-il un peu confus.

— Heureusement ! Allons, allons, ami, debout maintenant !

L’heure est à l’action et les morts seuls ont le droit de rester couchés.

— Je suis un peu las, Juliette… Quand on est venu m’annoncer la gloire de Jean, je n’ai pas bronché. À ce moment l’attaque était en pleine intensité, et je n’ai rien senti se briser en moi. J’ai continué de commander, comme il a continué, lui, d’aller en avant après sa dernière blessure pour entraîner sa compagnie… Mais aujourd’hui…

Le masque évidé par la soixantaine, le général accoudé sur l’oreiller semblait écouter la voix mauvaise du découragement. Alors Madame