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d’illusion sur le rite sentimental, devant l’esclavage auquel nous a soumis la nature ? L’homme sème sous l’empire de toutes les excitations, et la femme conçoit suivant un mystère que règle seule une volonté suprême. L’ombre dans laquelle s’accomplit l’évolution de l’être, — et notre ignorance pendant sa première main-mise, — est et sera toujours l’abîme où sombrera l’orgueil humain. Nous sommes des instruments et notre seule gloire est de servir des desseins que nous ignorons. Cette servitude est tellement impérieuse au moment de la naissance, que Jeanne Deckes oubliant l’origine de son enfant s’inquiéta :

— Aurais-je assez de lait pour le nourrir ?

C’était bien cela qu’il fallait dire et faire. La Vie précieuse, la Vie en qui tient toute la splendeur des sciences, des arts et de la bonté, la Vie, tendait vers elle deux petits bras menus. Elle était encore aveugle cette Vie mystérieuse, dont l’origine importait peu ; elle était faible, c’était le point capital ; et des forces obscures parlaient très haut qui disaient à la doctoresse :

— Ta mission est de ne pas laisser éteindre cette lumière. Tu n’as pas à t’occuper de la force que contient cette étincelle, il faut qu’elle grandisse d’abord ; ton devoir est là.

Cette voix était en même temps d’une telle douceur que l’intellectuelle n’eut même pas une hésitation. Comme la plus humble pastoure elle découvrit sa