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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

parlai à Ariste : — « Ta belle cave, lui dis-je, va-t-elle tomber dans la puanteur ? Ton maître va-t-il la détruire ? ou n’en prend-il plus soin ? — Ne t’alarme pas, chère Imirce, une saison fâcheuse va succéder aux beaux jours. » Il m’expliqua l’ordre des saisons.

Cette belle cave devint déserte, les oiseaux muets, les ruisseaux dont le murmure m’enchantait avaient suspendu leurs cours, des flocons blancs couvraient la terre, des vents constants et déchaînés par la mort avaient engourdi la nature : « Hélas ! cher Ariste ! tu ne jouis donc que passagèrement des beautés de ta cave ? — Elle meurt tous les ans pour revivre encore, et l’homme seul, pour qui elle est faite, ne renaîtra plus. »

Nous partîmes pour Paris ; à la dînée, nous trouvâmes six grands garçons, vêtus du même uniforme ; ils avaient chacun un tonnerre pareil à celui dont Ariste s’était servi pour tuer l’oiseau. Ces messieurs caressaient trois filles qui ne s’embarrassaient guère des lois du maître de leur cave ; elles se moquaient de la pudeur, tenaient des propos, embrassaient leurs amants, et se laissaient chiffonner aussi naturellement que je faisais dans ma prison. — « Ces gens, dis-je à mon amant, sont plus sages que toi ; ils chantent, caressent leurs femmes ; mais il paraît qu’ils n’aiment pas le maître de ta cave, ils ne disent point une parole sans en dire des horreurs.

— « Ces hommes, me dit Ariste, sont des merce-