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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Nous voulûmes apaiser l’enfant, ce fut impossible, le paradis de sa sœur l’avait trop épouvanté. Je regardai Ariste, je lui dis : « Entends-tu la nature ? Ô mon père, qu’elle est sage. »

Ces enterrements m’avaient ennuyée ; pour me dissiper, Ariste me mena à l’Opéra : après un enterrement, c’était tomber à merveille. Je pris cette salle pour une église : j’y vis des femmes peintes comme des Indiennes ; j’entendis des sons harmonieux et un plain-chant divin : une toile se leva, je vis un bois, où Amadis était enchanté ; j’entendis le tonnerre, il me fit rire. Je dis à l’oreille de mon amant : « Cette église est belle, cette cérémonie me plaît mieux que ton enterrement. » En parlant j’avais tourné la tête ; le bois était disparu, un château était venu tout à coup comme un champignon, je le vis envoler de même. L’instant d’après une mer agitée de flots de papier, comme ceux qui s’entrechoquent à la sortie de la presse, vint se perdre auprès du parterre : une jeune fille qui chantait comme un oiseau en cage, descendit dans une boîte tirée par des dragons de papier marbré ; elle était entourée de rayons de fer blanc, qui éblouissaient les riches bourgeois de la rue Saint-Denis. Un ciel aussi brillant que celui de la belle cave descendit en cadence ; il était meublé de femmes et d’hommes superbement ornés de clinquant. Je demandai à Ariste si c’était le maître de sa cave, qui faisait ces petits prodiges. « Non, me dit-il, ce sont des hommes. — Ce sont sans doute les premiers