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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

l’instant ; en parlant d’Emilor, j’avais fait naître dans le cœur d’Ariste le désir de connaître un sage si digne de son amitié.

Le lendemain de notre arrivée au château, mon ami me conduisit à la lucarne d’où il observait sa cave. Je revis Emilor avec plaisir, il me parut sérieux. Le soir on mêla un arcane à sa boisson, la nuit on l’enleva, on le mit dans la chambre où j’avais été. Le matin nous entrâmes, Emilor ne parut point étonné de nous voir, il fixait les yeux sur moi ; je le vis changer de couleur, mon cœur fut ému, il cherchait à me reconnaître, mes habits le trompaient ; pressée de lui marquer ma tendresse, je criai dans la langue de la cave : « Ô la joie et la force de mon âme ! voici le plaisir ! » Au son de ma voix, un jour enchanteur éclaira ses sens, il se jeta dans mes bras, ses larmes coulaient, un feu ardent étincelait dans ses yeux humides nous nous serrâmes tendrement, et nos âmes furent confondues.

Emilor, inquiet, cherchait d’une main impatiente autour de mes vêtements ce qui l’avait enchanté autrefois ; il baisait mille fois ma gorge, je ne pouvais me débarrasser de ses bras. La joie qu’il avait de me revoir était si excessive, que son visage en était altéré ; on voyait qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire dans son âme, l’agitation se peignait par le désordre où il était. Dès qu’il fut un peu calmé, on l’habilla, j’aidai à le vêtir, il parut triste. — « Pourquoi, me dit-il, veux-tu