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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

cacher ce qui te faisait plaisir ? ces objets sont-ils devenus haïssables à tes yeux ? la nouvelle cave a-t-elle gâté ton cœur ? ne m’aimes-tu plus ? » Hélas ! je l’aimais encore, mais je l’avais fait cocu[1], le pauvre Emilor n’en savait rien, le préjugé n’avait pas encore gâté son esprit, et le cocuage, dont le trône est à Paris, n’était point encore un malheur pour lui.

Au bout d’un mois, Emilor parlait français. Il ne parut que légèrement étonné des merveilles de la nature : toujours occupé dans la bibliothèque d’Ariste, il méditait sans cesse, il parlait savamment de Dieu, il ne le barbouillait pas comme la foule des hommes, il le peignait tel qu’il était, incompréhensible et adorable. Le philosophe lui demanda ce qu’il pensait de ce monde. — « Peu de chose, si j’avais la fureur de systèmes et la manie de chimères, je pourrais créer un monde avec rien. Ton monde n’est qu’un grand animal, et les hommes, les poils de derrière de cet énorme animal. La physique, le microscope à la main, rend mon système possible ; regarde la belle gorge d’une jolie femme, ces charmes ne sont que des insectes infiniment petits qui composent la rotondité, la blancheur et

  1. Le cocuage et un bas percé sont à peu près la même chose. Un homme élégant marche fièrement dans une place publique avec un trou à son bas ; si un sot vient lui dire : « Monsieur, votre bas est percé », cet homme rougit, devient honteux ; dirait-on qu’un trou à de misérables chausses ferait un effet si surprenant sur l’âme d’un être raisonnable ? Le cocuage est l’histoire du bas percé.