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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

doit rougir, faire cent grimaces, rebuter une flamme dont son cœur est également brûlé, tout cela pour prononcer trois lettres, o, u, i ; le mot lâché, il faut que tu aies sur l’instant des convulsions, que tu dises dans les transports de ta folie : « Ô aveu charmant ! ô jour natal de mon bonheur ! ô divin oui, vous m’ouvrez le temple de la félicité ! échos, oiseaux, bergers de ces bocages, allez apprendre à l’univers que je suis heureux, que la tête me tourne ! »

« L’homme n’a que deux moments à être sur la terre, il en perd un et demi pour jouir de la moitié de l’autre. Prends les filles à l’âge de quinze ans ; à cet âge, on dit d’abord oui. Ce sont les filles maniérées qui veulent des soins. Imite les sauvages ; les garçons et les filles prennent une pierre à fusil, frappent d’accord ; la première étincelle qui sort de la pierre est la flamme qui couronne leur amour. Renchéris sur eux ; dès l’âge de douze ans, fais apprendre à tes filles à battre le briquet. »

Nous passions des jours tranquilles dans le château d’Ariste ; le philosophe était pour nous un dieu bienfaisant ; il nous aimait comme ses enfants, nous ne connaissions pas d’autre père, nous étions heureux ; notre bonheur cependant était souvent troublé par le souvenir de nos enfants ; nous nous hasardâmes d’en parler à ce sage, il nous dit qu’il les avait placés dans différents pays, en avait tenu une note exacte, et que ceux qui vivaient nous seraient rendus.