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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

la femme de monsieur ! — Oui, cela peut être pour quelques nuits. » Mon prétendu mari fit tapage, l’hôtesse ne s’en épouvanta point, et nous dit avec un grand sang-froid : « Monsieur le Capitaine, soutenez votre jeunesse, on peut accommoder la chose ; Madame votre épouse couchera dans une chambre sur le devant, et vous dans l’appartement sur la cour : vous n’aurez pas peur de vous échauder ; cet arrangement vous plaît-il ? »

Cette femme était impertinente de séparer ce que l’amour avait joint ; elle croyait sans doute qu’un curé de village valait mieux qu’un dieu pour unir les cœurs ; les Flamandes ont des préjugés. Nous sortîmes de cette auberge, nous allâmes dans une autre, ce fut la même scène ; nous parcourûmes toutes celles de ce maudit Bouchain, pas un hôte ne voulut me laisser coucher avec mon mari ; nous fûmes obligés, à la fin, de prendre deux logements différents.

Nous arrivâmes le lendemain à Mons, la chaise m’avait fatiguée ; mon amant, pour me mener plus doucement, la troqua contre une autre, garnie de deux bons matelas. Nous nous mîmes entre deux draps dans cette voiture commode, et nous partîmes pour Bruxelles. La douce agitation de la berline nous excitait au plaisir, je voyageais dans les bras de mon amant, qu’ils étaient délicieux ! mon cœur, tendrement agité, semblait s’avancer sur mes lèvres ; les fonctions de mon âme étaient suspendues pour laisser à mes sens savourer la volupté.

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