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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Un sommeil tendre et tranquille succédait à ces ravissements. Un rêve aussi séduisant que le plaisir que j’avais goûté continuait d’enchaîner mon âme, et le réveil me replongeait dans une nouvelle mer de délices.

À cinq heures, nous fûmes à Bruxelles ; mon amant, rempli de sa passion, ne songeait pas que nous étions déjà dans cette ville. Dans le milieu d’une rue, il se mit encore à me donner des preuves de sa tendresse ; nous fûmes pris en flagrant délit : notre postillon, obligé de détourner pour un enterrement qui avançait de notre côté, passa sur des pierres amoncelées dans un endroit où l’on pavait ; la vitesse dont nous allions, le choc que notre vieille berline donna en retombant brisa le train de devant ; l’impériale se démonta et le suivit ; les couvertures s’en allèrent de compagnie, mon jupon d’étamine tomba d’un côté, mes souliers plats de l’autre, et le chevalier se trouva sur moi avec le derrière en l’air.

L’accident arriva si subitement que nous nous trouvâmes sans le savoir en face de l’enterrement ; le tableau et un cri que je jetai excitèrent les ris des spectateurs. Le valet du chevalier vint heureusement à notre secours ; il jeta les couvertures sur nous. Mon amant, impatient, se leva, prit sa robe de chambre, sauta à terre, en demandant où était l’auberge ; il s’en trouvait une heureusement à deux pas ; il me fit transporter, enveloppée dans les matelas.