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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

l’effet de cette cause première, qui anima l’univers. Le cadre, qui résiste plus longtemps que la rose, est ton ouvrage comme elle ; et si l’une tombe devant l’autre, c’est un ordre de ta volonté. Je vois le dernier moment d’un beau jour, qui a commencé pour finir. Si tu demandes à l’homme un compte exact de ses actions j’ai respecté les êtres formés à mon image, je les ai aimés, parce que tu les aimais. »

Mon amant ayant fini sa prière, expira ; mes cris firent accourir la maison ; j’étais collée sur le cadavre, je l’arrosais de mes larmes, je baisais son sein, je semblais embrasser sa belle âme, qui venait d’en sortir ; jamais mon cœur n’avait été si sensible et si tendre ; on voulait m’arracher de mon ami, les efforts furent longtemps inutiles ; je ne pouvais m’éloigner des restes d’un homme dont le cœur était si admirable.

Je songeai à profiter des bons conseils de mon vieux militaire. Je fis venir un maître de danse, c’était un jeune homme fort sot, plein de fatuité et d’amour-propre ; il fut ému en me voyant ; je sentis pour lui une horreur que les hommes ne m’avaient point encore inspirée ; son air suffisant me choquait, cet air ne va pas à certaines gens, il allait au plus mal à M. l’Entrechat. Cet homme, flatté de ma figure, me fit la grâce de me dire d’un ton de protection qu’il déploierait ses talents pour me bien tourner, me donner des attitudes, un port de corps qui feraient plaisir. Nous convînmes de dix écus par mois. M. l’Entrechat me donna leçon.