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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

MM. les maîtres de la danse font les faquins, et donnent le ton : celui-ci voulut s’émanciper ; je lui dis : « Monsieur le marchand de cabrioles, les femmes de condition ne se laissent point patiner par un mâtin comme vous ». Le compliment l’assomma ; mais comme il était sot, il revint bientôt à lui-même, continua la leçon. À chaque pas, il me félicitait ; ses compliments étaient aussi bêtes que lui ; l’air avec lequel il les débitait, les rendait encore plus maussades. La leçon finie, il me dit : « Madame fera une bonne danseuse ; les talents de l’art proportionnés à la jambe de Madame, et la légéreté de Madame, d’accord avec l’oreille de Madame, feront… » J’interrompis M. de l’Entrechat, et je lui dis : « Madame vous assure, monsieur, que vous êtes un sot ». — Cela vous plaît à dire, c’est une grâce que Madame me fait » ; il se mit à rire.

Quelques jours après, il sut que je me destinais au théâtre ; et s’imaginant qu’un maître de danse pouvait aspirer à la main d’une figurante, il me députa un certain maître Ambroise Tirefort. Cet homme entra chez moi en habit de gala, où il paraissait fort gêné de ses bras, qui par un certain respect pour sa casaque, étaient écartés et un peu en l’air, comme les anses d’un pot ; une longue cravate lui pendait sur les genoux ; une perruque poudrée à fond, endimanchait furieusement sa personne ; on voyait au centre de ce riche gazon, briller la circonférence d’une tonsure, que le sensible