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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

du papier blanc pour nous dire que Pierrot avait épousé une riche Madame. Comme nous allions au pèlerinage servir le miraculeux S. Quentin et faire dire une messe à l’intention de notre vache, incommodée, sans votre respect de la santé, nous trouvîmes une pièce de six francs sur le chemin, et nous avons destiné cet argent pour voir Pierrot. »

Je questionnai ma belle-mère sur l’état de son mari. « C’est un bon ouvrier, me dit-elle, il gagne ses quinze sols par jour, il fait l’août et moi la soupe ; j’ai une vache honnête et un cochon raisonnable ; je faisais valoir ça ; notre fille est une bonne fileuse, elle travaille comme un forçat ; notre garçon ouvre d’affut ; il court un peu trop après les filles, elle le prennent pour un gros hère ; tôt ou tard il faut que jeunesse se passe. »

Nous étions dans la chaleur de la conversation, lorsqu’une dame de mes amies, nommée Mme La Tour, arriva ; elle n’aimait pas la suffisance de mon époux ; malgré ses airs de grandeur, elle avait percé sa bassesse, elle entra sans se faire annoncer ; je fus mortifiée de cette rencontre. Mme La Tour aperçut dans ces villageois un air commun avec mon mari. « Je suis au désespoir, me dit-elle, ma bonne amie, d’avoir renvoyé mon carrosse ; vous me paraissez en parenté ? vous avez peut-être des objets intéressants à vous communiquer. — Hélas ! ma brave madame, répondit ma belle-mère, nous n’avons rien à nous dire que vous ne puissiez savoir ; nous sommes venus à Paris pour voir notre