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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

ne laissons pas échapper à notre sagacité le moindre globule d’une matière si intéressante et si précieuse aux progrès de la médecine : entourons, respectables docteurs, cette momie ; et à l’instant qu’on lui soufflera au derrière, que le docteur cantharida mortuus, et le docteur superlativus perfectus tiennent chacun une montre à secondes pour calculer le temps et la vitesse de son écoulement ; que le docteur Perobitum obiit approche un thermomètre à la hauteur de l’anus ; que les deux plus anciens de la faculté, le nez sur le derrière de la momie, examinent attentivement l’ouverture : n’échappons rien, Messieurs, prenons la matière louable sur le fait. »

La Faculté avait nommé, pour souffler au derrière du grand Tonquin de la Chine, les deux anciens apothicaires de Paris. Les vise-au-trou, accablés d’années, n’avaient ni dents, ni poumons, ils soufflèrent une heure, et la parole ne vint point : on fut obligé de tirer au sort. Le hasard, sous l’empire de la Providence, fit tomber le choix sur un apothicaire de la rue Jacob. Ce souffle boudin fit jouer la mine, et mon grand-père commença à parler.

Le vieillard, incrédule en médecine et en bien d’autres choses, me gronda. — « Que fais-tu avec ces ânes ? Que me veulent-ils ? — Papa, c’est l’intelligente et capricieuse faculté de Paris, qui veut examiner votre matière louable. — Te payeront-ils ? — Oui, assurément. — En ce cas, je me prête à ta fortune.