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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

génie vit mon erreur : « Ne me prenez pas, Monsieur, pour une fille du monde, je suis étrangère, j’arrive au moment à Paris, je ne connais point cette ville ; je ne sais même où je pourrai me retirer en sûreté ; si la vertu a encore des droits sur les cœurs, si votre âme est capable de soutenir l’innocence, trouvez-moi un logement où je puisse être sans crainte ; mon estime, mon amitié, ma reconnaissance, plus constants qu’un instant de plaisir, plairont mieux à votre cœur et le rendront plus digne de vous ».

Ce langage nouveau me surprit, je me prêtai de toute mon âme à obliger une si belle personne, j’ai toujours la vanité de faire le bien. J’appelai un fiacre, je conduisis la belle étrangère dans une chambre garnie, à côté de la mienne. Notre connaissance devint plus chère, mes procédés honnêtes, encore plus, je l’ose dire, la naïveté de mon cœur me méritèrent celui d’Éphigénie. Nous fûmes unis des liens de l’amour, nous prîmes la vérité par le témoin de notre tendresse et nos nœuds furent aussi saints, aussi respectables que s’ils avaient été serrés par des cérémonies qui ne disent rien au cœur.

Éphigénie, en s’unissant à moi, m’avait demandé une grâce, une grâce sans laquelle je ne pouvais aspirer à la posséder. « Ne me questionnez jamais, me dit-elle, sur le lieu de ma naissance, sur mon nom, sur mes malheurs. Je suis de condition, je n’ai jamais eu à rougir d’aucune action de ma vie, la vertu a toujours brûlé dans mon cœur, vous êtes