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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

qui ne perd jamais ses droits, s’était vengée en blessant Véronique à l’endroit le plus retentissant du beau sexe. Elle conçut, étant fille, un gros garçon, à qui l’on donna le nom de Dressant, à cause qu’il s’était dressé sur les pieds en sortant de la vallée de pleurs pour entrer dans la vallée de larmes. Ce prodige, sans doute, était fait exprès pour donner sur la joue à M. Jean-Jacques, qui veut absolument que nous marchions à quatre pattes, tandis que les chapons marchent à deux pieds.

Le petit Dressant, dès l’enfance, avait un goût héréditaire pour les manches à balai, les goupillons, les gros cierges et les queues de cheval. Plein de fantaisie comme un Anglais, il ne voulait téter que sur une table ou sur une échelle ; quand il voyait la tour de Londres ou les mâts des navires de la Tamise, il les montrait à sa nourrice en riant sous son béguin.

À dix ans on lui donna un maître d’écriture ; il ne put jamais apprendre qu’à faire un I et un V ; il faut rendre justice à ses talents, il fendait un V avec l’art du plus habile écrivain, et mettait des points sur les I avec la sagacité et la profondeur du géomètre le plus versé dans les points. Les révérences françaises lui déplaisaient furieusement ; il ne pouvait voir courber les corps ; il se plaignait que le beau sexe pliait trop les genoux en saluant ; et, comme il avait de grandes notions de la lettre I, il disait que les filles gâtaient les lettres de l’alphabet en faisant la révérence, parce que d’un I elles