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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

devant mon berceau ; et pour me faire au bruit de cette ville immense, il frappait sur une vieille marmite. « Mon fils, disait-il, sera un homme, il traversera les rues de la capitale sans être incommodé du bruit des chaudronniers ; » sans la vieille marmite, mon éducation était manquée ; les chaudronniers, les crieuses de vieux chapeaux et M. Le Kain me devenaient insupportables.

Aussitôt que les dents commencèrent à me percer, au lieu d’un hochet, mon précepteur me donna des chiffons de papiers où l’on avait façonné des macarons. Cette précaution était sage ; les grelots, les hochets font un tort considérable à la société ; ces instruments sont la cause que la plupart des hommes n’ont plus de dents à quatre-vingt-dix ans.

Mon grand-père m’apprit à marcher la nuit, et à me casser le nez sans chandelle ; il trouvait surtout la dernière instruction merveilleuse pour me préparer sans frayeur aux spectacles des hémorroïdes et aux lunes de ma femme ; c’est, disait-il encore, la meilleure éducation qu’on puisse donner aux enfants ; par là on leur apprend à se passer de chirurgiens, des quinze-vingts et de bougies.

Mon précepteur avait remarqué que mon cousin Bernard était un poltron. Comme il voulait faire de moi un Richard-sans-peur, il me dit[1] : « Mon ami,

  1. Ce conte est ici placé, pour faire honneur à l’érudition de mon grand-père.