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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

« Oui, disait le bonhomme, j’ai demeuré six ans à Paris, je ne coûtais que dix-huit cents livres à mon père. — Mon cher oncle, lui dis-je, comment étiez-vous habillé ? — Très bien ; c’était ta grand’mère qui se chargeait de ce soin. — Vous aviez sans doute un habit de drap uni, la veste et les culottes pareilles ? Voilà comme les pères et mères habillent ordinairement leurs enfants ; c’est le premier portemanteau qu’un provincial apporte à Paris. — Eh bien, que dira ce crâne, cela n’est-il pas solide ? — Assurément, cela est bon pour la durée ; mais ce n’est pas le ton : il faut des habits de goût, des modes, des… — Avec dix mille écus, dit le bonhomme en m’interrompant, on a bien des habits… Ton cousin a tort. — Pas du tout, c’est vous, mon cher oncle. — Comment ! j’ai tort ? comment un bec jaune comme toi voudra faire la barbe à un homme de mon âge ? Tu as beau plaider sa cause… les libertins s’entendent… Mon fils peut vivre à meilleur compte. — Certainement il peut vivre dans la rue de la Harpe, à l’auberge des Auteurs, occuper un appartement élevé comme ces messieurs, faire raccommoder vingt fois ses vieux bas, voir la bonne compagnie du port au bled, se façonner l’esprit avec Mamselle Nanette Dubuc et Jérôme de la Grenouillère… Ne voyez-vous pas que la dépense que fait mon cousin lui procure la connaissance du beau monde, où il prendra de bonnes et mauvaises impressions, fera quelques sottises sur le bon ton, sera perfide avec grâce, trompera toutes les femmes,