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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

le maître de la cave, il est bon, il nous fera du bien, je serai aise de voir un être qui nous donne une si bonne chose que le pain, et un objet aussi délicieux que toi ». Ariste nous avait vus dans le panier ; il comprit notre dessein, il nous fit élever à dix pieds de terre, et jouer à l’ouverture un artifice. L’éclat du feu nous fit trembler ; quelques serpenteaux vinrent autour de nous, et terminèrent leur jeu par un bruit que la peur rendit encore plus effrayant. Le panier descendit subitement, et nous en sortîmes tout étourdis. « Ô cher ami ! dis-je à mon époux ; le maître connaît tout, voit tout, entend tout ; il a compris notre dessein téméraire ». La nature du feu que nous ne connaissions pas, le bruit de l’artifice nous avait tellement épouvantés, que nous crûmes avoir offensé le maître de la cave.

Le lendemain, le panier ne descendit point ; nous jetâmes des cris horribles. « Hélas, disais-je à mon époux, cet être si bon qui m’a donné ton cœur, nous punit sans doute en nous privant du pain qui entretient notre existence et nos plaisirs ; la puanteur va nous réduire en poussière, comme elle a fait de notre enfant ; mourons ensemble, mon cher Emilor, l’espoir de voir mes os mêlés avec les tiens flatte encore mon âme. »

Je me jetai dans les bras d’Emilor. Étroitement serrée sur son sein, j’attendais la puanteur sans la craindre. Le panier reparut le lendemain ; ce spectacle nous rendit la joie.

J’étais depuis vingt-deux ans dans cette prison,