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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

j’avais eu trois enfants ; le premier était mort, on avait enlevé les deux autres, dix à douze mois après leur naissance. Ariste s’aperçut que j’étais jolie, me soupçonna de l’esprit, conçut de l’amour pour moi, et me tira de sa cave. Un soir qu’il nous avait endormis avec son arcane, on m’enleva des bras d’Emilor, on me transporta dans une chambre d’où Ariste pouvait me voir ; je m’éveillai surprise d’être dans un endroit plus éclairé, triste de ne pas voir mon époux : je le cherchais, je l’appelai en jetant des cris horribles. Une symphonie mélodieuse se fit entendre, ces sons calmèrent un peu ma tristesse. Un instant après, j’entendis du bruit, la nouvelle cave s’ouvrit en deux, je vis paraître Ariste, la tête couverte d’un chapeau orné de grandes plumes rouges ; une jupe comme les Américains lui tombait sur les genoux ; il tenait un pain à la main, je fuis à son aspect, il me fit signe de prendre son pain. Quoique cet homme eût cinquante ans, un air d’embonpoint, beaucoup de fraîcheur le rendaient agréable. Je me hasardai de prendre son pain, et aussitôt je me cachai sous le lit. Ariste se retira, je sortis d’où j’étais réfugiée, je cherchai partout, j’examinai où la nouvelle cave s’était ouverte ; ne voyant rien, je crus qu’Ariste était le maître du panier. Me rappelant alors les idées qu’Emilor avait de sa bonté, flattée du doux espoir d’être garantie de la puanteur, je sentis naître ma confiance. Deux heures après, il reparut, je dansai autour de lui. Ces marques de joie lui firent plai-