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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

couverte d’un voile humide et sombre ; mais quelle surprise agréable quand je vis tout à coup des millions d’astres dorés percer le moite rideau des ténèbres ! Que la cave était belle ! « Ô Ariste ! m’écriai-je, que ta voûte est étincelante ! que ton maître est puissant le jour comme la nuit ! quel calme flatteur règne dans cette cave ! est-ce ici l’heure où les amants vont reposer sur le sein de leurs amantes ? que l’air frais, que je respire, est délicieux ! c’est le tendre souffle qui échauffait mon âme, avant de connaître le plaisir : tes feuillages ne sont plus agités, tes oiseaux sont muets, leur silence est-il un mystère ? Ariste, dis-moi, ce mystère ne dit-il rien à ton cœur ? cher ami ! veux-tu laisser parler le mien ? Il t’invite avec la nature à me combler de plaisirs. »

Mon amant se jeta dans mes bras, m’enivra de voluptés, mon œil ne voyait plus que faiblement le spectacle attendrissant qui l’avait étonné ; le plaisir, plus grand que la belle cave, souriait à ma volonté. Je nageais encore dans une mer de délices, quand mes sens furent subitement flétris par le bruit effrayant de mille oiseaux funèbres ; je demandai, toute alarmée, au philosophe, d’où sortaient ces cris affreux ? « Ce sont, me dit-il, les oiseaux de la puanteur. — Pourquoi ton maître trouble-t-il la tranquillité de la nuit ? tes chouettes, tes hiboux, tes fresaies sont détestables. » Ces cris me firent rentrer au château ; la belle cave ne me parut plus que l’ouvrage d’un être qui se jouait avec le bien et le mal.