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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

qu’il avait été occupé à dévorer ses viandes : sa joie reparut avec le dessert, et je trouvai mon ami plus aimable.

La cérémonie de la table me sembla gênante. Trois grands garçons nous servaient avec un air craintif et empressé. Je demandai au philosophe si ces hommes étaient ses enfants. — « Non, ce sont des esclaves fainéants, gagés pour me servir. — Pourquoi te servent-ils ? — Cette cave n’est pas comme la tienne ; les uns ont quelques bribes infiniment petites de la cave, les autres n’ont rien ; ceux qui ont quelques lignes de terrains courbes ou plates sont riches, ceux qui n’en ont pas sont pauvres : ces derniers se prêtent aux besoins ou aux fantaisies des riches pour avoir de l’argent : l’argent est un métal rare et dangereux, avec lequel on se fournit de tout ce que l’on veut. » Je trouvai l’argent admirable, quoiqu’il ne valût guère mieux que les parois de ma vieille cave. Le philosophe m’expliqua son système de finances ; je compris un peu le système de sa cave. Je conclus que l’argent était le malheur des hommes.

Nous parlions encore sur l’ardeur de l’or qui brûle tous les hommes, lorsqu’un capucin parut subitement à nos yeux. L’aspect de ce masque me fit trembler, je quittai précipitamment la table ; Ariste courut après moi, me ramena dans la salle, où je demandai encore toute effrayée de quelle cave sortait cette vilaine figure ? « Comment donc, dans une cave aussi belle que la tienne, y a-t-il des êtres