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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

comme le rhinocéros. Deux carrosses nous amenèrent cinq dames, elles brûlaient de me voir. La curiosité est le sentiment le plus chaud de notre âme. Ces dames parurent étonnées de ce que j’étais plus jolie qu’elles ; elles firent l’inventaire de ma parure et de mes breloques, prodiguèrent tous les superlatifs : l’une me demanda, comment je trouvais la France, l’autre me fit remarquer malgré moi le goût d’une belle robe, une vieille marquise m’entretint de vapeurs et de son chien, qui n’avait que trois pattes ; une jeune personne me pria de lui donner des conseils pour tromper sa mère ; son amant ne pouvait la voir, disait-elle, ni lui écrire : je m’étonnais de ce qu’il fallait tromper ses père et mère pour suivre un sentiment aussi naturel que celui d’aimer.

Ce papillonnage fini, la compagnie s’arrangea autour d’une table, prit des chiffons de papier qui ne paraissaient pas être faits par le maître de la belle cave ; ils étaient fort mal peints. On s’amusa pendant trois heures à les remuer avec beaucoup d’attention et à répéter, « je passe… médiateur… manille… spadille… deux… trois… six levées… codille… faites… voilà huit tours… je n’ai plus rien dans ma boîte. »

La compagnie partie, je demandai au philosophe, qui étaient ces folles. « Ce sont des femmes de condition, sur le bon ton, qui t’ont fait l’honneur de te rendre visite. — C’est donc un honneur de dire cent niaiseries, de faire mille questions ridicules ; par