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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

exemple, si les dames de mon pays sont coiffées à l’exil du Parlement, si les greluchons sont plus aimables, si les chiens sont jolis, si je voulais savoir l’air de la chanson des petites postes de Paris ? Tes femmes de condition sont originales ! j’aime mieux la femme de ton fermier, elle a soin de ses enfants et de ses vaches. Que font les femmes de condition ? — Rien, que ce que tu as vu, et qu’elles vont répéter dans vingt maisons. — Elles doivent prodigieusement s’ennuyer ? — Aussi sont-elles accablées d’ennui ? »

Je questionnai le philosophe sur les livres mal peints, avec lesquels on avait plaisanté pendant trois heures : « Ce sont, me dit-il, de mauvais livres qui nous apprennent à devenir fripons, à perdre notre argent, notre honneur, notre fortune, et souvent servent d’occasion à nous égorger. — Pourquoi t’amuses-tu avec des livres si dangereux ? — C’est pour nous dissiper en nous volant poliment les uns et les autres ; la passion du jeu ne peut être que celle d’un honnête fripon. — Tu ferais mieux, Ariste, de t’amuser avec les livres de ta bibliothèque ; la tragédie d’Alzire, que j’ai lue l’autre jour, me délasserait mieux que tes affreuses cartes ! est-ce celui qui a fait Alzire, qui a fait tes cartes ? — Non, l’auteur de cette tragédie est un bel esprit ; celui qui a fait les cartes est un homme ordinaire ; et quoique le drame d’Alzire prêche le pardon des offenses, il y a peu de personnes qui pardonnent les offenses et qui lisent cette pièce, en comparaison de celles