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LA VILLE SANS FEMMES

ge, c’est là le plaisir des repas prolongés. Or, ici, on se nourrit en quinze ou vingt minutes et, en un si court espace de temps, on a tout juste la possibilité d’avaler rapidement. On trouve, cependant, le moyen de s’arranger. En premier lieu, chaque table autour de laquelle s’assoient dix personnes réunit un groupe d’amis ou de copains qui se connaissent bien et ont l’habitude d’être ensemble. Pendant la belle saison, d’autre part, de petits groupes déjeunent ou dînent au grand air. Ils ont découvert dans le camp un coin tranquille et ombragé. En ajoutant à la ration ordinaire ce que l’on a reçu de chez soi et grâce au fourneau de la petite cuisine (cabane construite à côté de la cuisine où l’on se confectionne des petits plats), on parvient à goûter vraiment aux fameux plaisirs de la table. Il fut un temps où, dans le groupe auquel j’appartenais, on se faisait venir des poulets, du foie de veau, du poisson frais. Beaucoup de groupes, d’ailleurs, étaient de même favorisés.

Nous eûmes même des banquets. De temps à autre, soit que les habitants d’une baraque se fussent cotisés entre eux, soit que quelques-uns d’entre eux eussent reçu de l’extérieur d’importants colis de nourriture, cinquante, cent, deux cents, jusqu’à trois cents internés quelquefois commandaient au chef de la cuisine un dîner en règle comme ils l’auraient fait chez n’importe quel grand restaurateur d’une grande ville. Il était entendu que le personnel de la cuisine ainsi mobilisé pour ce travail extraordinaire était ensuite convié au repas et que ces membres recevaient aussi un cadeau. Moyennant quoi ces re-