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LA VILLE SANS FEMMES

The war is ended !

Et nous étions au mois de mai 1941 !

Mais tout cela ne vaut certes pas l’incident qui se produisit le troisième ou quatrième soir de notre arrivée.

Il était peut-être minuit. La forêt autour de nous était plongée dans un silence de tombe, lorsque, tout à coup, on entendit des cris, des chants, des vivats, accompagnés d’un son de cornemuse. Toute la chambrée fut debout. Chacun mit la tête à la grille de la fenêtre… et nous vîmes des soldats qui dansaient, chantaient et s’amusaient…

— La guerre est finie ! s’exclama quelqu’un.

— C’est vrai ! observèrent les autres en chœur, sinon, pourquoi ces manifestations ?

Oui… mais comment savoir, puisque nous étions enfermés dans la baraque à double tour de clef ? Soudainement, un gros importateur de fruits et de primeurs de Montréal — qui était, d’ailleurs, extrêmement bien doué pour l’art dramatique — commença à se tordre à cause d’une rage de dent, et à geindre sur un ton à émouvoir les pierres.

— Il faut appeler le garde et demander l’assistance de l’hôpital ! proposa le chef de la baraque.

Un soldat du service sanitaire accourut armé d’une tenaille :

— Je peux vous arracher la dent, dit-il.

Nouveaux cris du malade qui, cette fois, refusait énergiquement. Mais, au moment où le soldat allait repartir avec ses tenailles, l’importateur de fruits et de primeurs, baissa la voix et lui demanda :