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LA VILLE SANS FEMMES

printanier tant il apporte d’optimisme et d’ardeur juvénile dans ses paroles et dans ses actes.

— Il y a un colis pour toi ! m’annonce-t-il en riant de toutes ses dents très blanches et qui se détachent plus blanches encore sur la peau brunie par le soleil.

Si le « père Achille » a une tendance à voir tout en noir, Torey, lui, voit tout en rose. Même ici. Même aux moments où il est furieux à ne pas être pris avec des pincettes car il est éperdument amoureux d’une jeune fille écossaise à laquelle il est fiancé et qu’il épousera le jour de sa libération.

— Moi aussi j’ai un colis, d’elle ! ajoute-t-il, rayonnant.

Nantis de deux paniers vides, comme deux commères allant au marché, nous nous acheminons, Torey et moi, vers la baraque où l’on distribue les colis qui nous sont envoyés. C’est l’heure des paquets, comme on l’appelle, et cette heure nous donne, avec celle de la distribution du courrier, quelques-unes de nos joies les plus intenses. C’est un peu de notre chez-nous qui nous arrive à travers des ballots de toutes dimensions, de tous les gabarits, de toutes les couleurs, depuis la vieille valise délabrée où le baluchon maladroitement assemblé dans lequel une femme de condition modeste a entassé les objets les plus abracadabrants, jusqu’à l’élégant petit carton qui sort tout ficelé d’un grand magasin.

Nos familles et nos amis nous envoient toutes sortes de choses. Ils se figurent que nous manquons de tout. Ils nous envoient de tout. Bien entendu, nous sommes les premiers auteurs de cette illusion, car, au début,