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L’HEURE DU VAGUEMESTRE

astreints à un menu toujours identique, nous avons nous-mêmes demandé certaines gâteries que nous n’aurions pu trouver sur les tables d’un camp d’internement, fût-il aussi bien pourvu que celui-ci.

Les colis, qui arrivent à notre petite ville directement par camion de la gare prochaine du C. N. R., laquelle, entre parenthèses, fait avec cela des affaires d’or, sont d’abord emmagasinés dans un bureau où l’on prend les numéros et les noms des destinataires afin de dresser une liste qui est affichée vers les deux heures, chaque jour. Tout le monde va voir si son nom figure dans cette liste merveilleuse. Si oui, il faut se présenter à l’heure fixée pour la distribution et, quand d’autres camarades auront transporté les paquets derrière une table où se tiennent un officier et quelques soldats, pour la vérification du contenu des envois, la distribution commence. Il y a, en moyenne, de cent à cent vingt-cinq colis par jour. Le « grand chef » du transbahutement de tous ces paquets sous la surveillance du censeur est un Romain qui remplissait naguère les fonctions d’officier postal et d’agent de navigation à Windsor. Il est d’une compétence incontestée en matière de transport. Il peut dire par cœur, instantanément, le prix d’affranchissement d’un colis pour n’importe quelle destination. Les embranchements ferroviaires n’ont pas de secrets pour lui. Il manie les « acheminements » comme des œufs. Il sait les horaires des trains. Il connaît presque sur les doigts les retards probables de chacun d’eux.