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LA VILLE SANS FEMMES

et de promesses. C’est un langage que l’on me tient depuis le début. Et, sans doute, est-ce naturel. Quand on interroge les autorités sur notre sort, elles répondent toujours humainement. C’est un peu comme les médecins qui ne disent jamais la vérité aux parents. Il est bon, toutefois, que des bruits encourageants nous parviennent de temps en temps. Ils sont préférables aux mauvaises rumeurs ou même au silence. Ils produisent un bon effet sur notre esprit. Le bonheur consiste souvent à être dupé.

— Je ne suis pas si sûr de cela, répliquait un autre. L’atmosphère qui nous entoure a-t-elle changé ? On nous garde comme des maris jaloux gardent leurs femmes. Si nous protestons, on nous répond : « Ce sont les ordres ! » Or les ordres viennent du centre et les autorités intermédiaires n’osent pas les modifier de motu proprio.

— Pour moi, disait un autre, tout ceci n’a pas d’importance. Un jour ou l’autre, cette histoire finira. Ou c’est nous qui finirons. Ce qui revient au même. J’ai toujours écrit à ma famille de ne pas s’en faire et de laisser agir ceux qui ont la responsabilité de gouverner le pays. Notre libération aura lieu un jour ou l’autre. Naturellement, je ne sais pas si nous serons ici encore longtemps, parce que je ne suis au courant de rien. Mais je pense que voilà quarante mois que nous sommes internés. Et chaque jour qui passe, qu’on le veuille ou non, nous approche fatalement de la fin.

Le « philosophe » esquissait quelquefois une moue de dégoût et ajoutait :