sant. Mais au sein du drame collectif et mondial de la guerre moderne, pour combien compte le sort d’un individu ? Le fait est que l’ancien interné une fois libéré ne garde ni rancune ni ressentiment au fond de son cœur à la suite de l’épreuve qui lui a été imposée par l’autorité. Il sait qu’au moment où l’internement a été décidé, les apparences, sinon les faits, lui étaient défavorables. Aujourd’hui, ayant démontré clairement qu’il n’a jamais rien fait, ni en actes, ni en paroles, contre ce Canada dont il était l’hôte, il est presque satisfait d’avoir subi cette épreuve.
Tel est mon sentiment. Lorsque je médite sur mon aventure, il me semble avoir été, à un moment donné, comme un voyageur arrivé à une gare-frontière. Là, tout le monde a dû descendre. Devant les douaniers, montrant ma valise, j’ai dit avec assurance :
— Rien à déclarer !
Les douaniers m’ont dit :
— Il se peut, en effet, que vous n’ayez rien qui soit soumis à la douane. Mais, par précaution, veuillez passer dans le bureau à côté pour une vérification complète…
— Mais…
— Mille regrets, cher monsieur : c’est la loi !
Et il faut respecter la loi. Alors, je suis entré dans le bureau à côté.
La vérification s’est prolongée. Une heure… vingt-quatre heures… quarante mois ! Mais, maintenant que la vérification est faite, finie, et qu’elle a été complète, combien je suis heureux de pouvoir circuler librement, ma petite valise à la main ! Personne ne peut plus me regarder passer