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LA VILLE SANS FEMMES

« Pendant deux mois, nous avons été traités comme de simples criminels. Il en fut de même à Montreuil-Bellay où nous étions gardés par des troupes de la jeunesse hitlérienne. On nous expédia en Suisse, à la Grande Caserne de Saint-Denis, près de Paris, où les Allemands pouvaient nous surveiller plus facilement, et avec moins de gardes. Le confort était pratiquement inexistant. La prison contenait deux fois plus de prisonniers quelle pouvait en contenir. C’est dire que les locaux étaient très encombrés. En outre, nous étions forcés, dès la chute du jour, de fermer portes et fenêtres et de baisser les stores. Dans cet air rapidement vicié, nous pouvions à peine respirer. Nous manquions même du nécessaire, des articles les plus indispensables. Pas d’armoires, pas de tablettes, pas une boîte. Nous n’avions même pas de clous pour suspendre nos vêtements, que nous devions empiler sur le plancher poussiéreux. C’est là que pour la première fois nous avons connu les angoisses de la faim. Pendant trois mois, pas d’autre nourriture que les maigres rations fournies par les Allemands. Le midi, des légumes cuits et mal cuits. À 4 heures, nous mangions ce qui en restait. Dans l’après-midi, une ration de pain, un pain noir dont le principal ingrédient était… du bran de scie. C’étaient des pains ronds, de la grandeur d’une assiette, d’environ deux pouces et demi d’épaisseur. Chaque prisonnier recevait le quart d’un pain chaque jour. Un homme normal pouvait difficilement s’en contenter pour un seul repas. Et cependant, avec les légumes du